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Si l’ingérence n’existait pas,il faudrait l’inventer en Haïti   

Le bureau de suivi de l’accord Montana (BSA)  dénonce dans une note le 1er juillet  2025 l’ingérence des puissances internationales et celles dites régionales en prélude d’une rencontre entre les signataires de l’accord dit du 3 avril et des représentants CARICOM-OEA. Paradoxalement, le BSA a pris part à la réunion et demandé à ces mêmes puissances de démolir le conseil présidentiel. Ce dernier, enfant adultérin de la communauté caribéenne, s’y oppose.  Discours à géométrie variable. Il faut être géomètre du double discours pour exceller dans la politicaillerie haïtienne. Platon a eu mille fois raisons de dire que « nul n’entre ici s’il n’est géomètre ».

La note du BSA est tranchante. Elle rejette l’intervention de l’étranger. Son auteur manie avec adresse la rhétorique et sait comment doser le logos, le pathos et l’ethos. En d’autres termes, c’est un goat du discours politique. Et un discours politique, c’est des mots. Et des mots. Et des mots. Au fond, le BSA se moque de l’ingérence comme de l’an quarante. Dénoncer l’ingérence, c’est utiliser une arme politique. Elle est efficace car devient nationaliste qui tire à boulets rouge sur la communauté internationale.   

Mieux encore, certains acteurs politiques sont orfèvres dans la contre-ingérence. Une ingérence qui s’oppose à l’ingérence. Une ingérence de l’ingérence. Il y a peu, Moïse Jean Charles brandissait ses relations privilégiées avec la Russie de Poutine. Il appelait à ouvrir le ventre de la bête pour accueillir l’héritier des tsars afin de protéger les pitit Desalin  de la marque de la bête. Et ce même Moïse, alors qu’il critiquait l’ingérence de la communauté internationale, a malicieusement casé son pion  au sein de la bête à neuf têtes. Une présidence par procuration. 

Et souvent, on sollicite l’ingérence. C’est le cas d’un ministre qui consulte un ambassadeur avant de prendre une décision qui relève pourtant  de sa seule compétence. Ou d’un Premier ministre qui téléphone à l’ambassade américaine pour savoir s’il faut procéder à l’arrestation d’un caïd qui met littéralement  le pays à feu et  à sang. Ou d’un chef de la police qui se sent redevable qu’envers le gouvernement américain.

Ici, au contraire d’ailleurs, l’ingérence constitue une béquille. Elle est multifonctionnelle pour ces acteurs multifacette, ces génies de l’incohérence. Enfant, on jouait à « un douce, un chaud ». L’ingérence, c’est ça : un jeu, mais sérieux. On jongle. On s’amuse. On en tire profit. Puis on se dédouane. Chez nous, l’ingérence est ambivalente. Elle n’est ni ange ni bête. Elle est oxymorique. Si l’ingérence n’existait pas, on l’inventerait. Elle est une force centripète. elle est utilitaire. Parce que dans ce pays, on se respecte plus.      

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